Le Cannet peint par Bonnard
« Dans mes promenades du matin je m'amuse à définir les différentes conceptions de paysages, paysage "espace", paysage intime, paysage décoratif, etc. Mais comme vision je vois chaque jour des choses différentes, le ciel, les objets, tout change continuellement, on peut se noyer là-dedans. Mais cela fait vivre. »
Pierre Bonnard (extrait d'une lettre adressée à Matisse fin février 1940)
Pierre Bonnard fait parti des peintres de L’itinéraire sur les pas des grands maîtres mis en place le long de la Côte d'Azur.
Lieu de mémoire et d'inspiration, le cheminement Sur les pas de Bonnard rappelle la présence de Bonnard et évoque les « provisions de vie » quotidiennes du peintre. Ce parcours a donné lieu à plusieurs toiles, représentées à des endroits clés par des lutrins. Il est l'une des portes d'entrée dans l'univers du peintre, dans sa recherche sur le paysage et la lumière du Midi. Bonnard explore toutes les ressources picturales que lui offrent sa maison Le Bosquet, ainsi que les vues sur les paysages cannettans, les toits rouges, l'Estérel et la Méditerrannée.
Tous ses sens en éveil, Pierre Bonnard est à l'écoute de la nature et fait provision d'images et d'odeurs. Dans un carnet, il note ses impressions, le temps et dessine des croquis, autant d'aide-mémoire pour sa peinture.
Aujourd'hui encore, plusieurs vues panoramiques permettent d'évoquer les liens puissants qui unissent Bonnard à la nature et au territoire du Cannet. Du regard, vous embrasserez à votre tour ces vues, immortalisés par ses tableaux, Ciel d’orage sur Cannes, Paysage du Cannet, La Route Rose, Paysage du Midi...
Quelques vues du Cannet peintes par Bonnard :
Sa maison : Le Bosquet
Pierre Bonnard découvre vers 1904 la Côte d’Azur à Saint-Tropez et Nice. Il fait de nombreux séjours dans le Midi, avant d’adopter, autour de 1920, Le Cannet. C’est une petite ville à l’époque, réputée comme station hivernale et climatique. Comme il ne souhaite pas habiter près de la mer, fuyant plutôt le monde et les constructions, Bonnard choisit le quartier de la Colle et du Bosquet pour son panorama incomparable. Le canal de la Siagne sera le lieu favori de ses promenades.
Le peintre loue d’abord la villa « Le Rêve » située avenue Victoria, avant d’acheter en février 1926, une maison modeste aux allures de chalet. Ses moyens auraient pu lui permettre d’acquérir une maison bien plus grande et confortable, avec un accès plus facile mais c’est l’aspect tranquille du lieu qui va le séduire. Il s’y installe en 1927, après y avoir fait quelques arrangements. Le seul luxe de la maison est la baignoire, qu’il fait placer sur l’insistance de sa femme Marthe. Pierre Bonnard ne se fixe pas d’abord définitivement au Bosquet ; son âme de voyageur l’amène à faire sans cesse des va-et-vient entre Paris, Vernonnet et Le Cannet.
La proximité de son ami Matisse qui séjourne à Nice et la présence de Lebasque au Cannet lui permettent d’avoir des relations sociales et artistiques continues.
Durant toutes ces années, sa présence au Cannet sera des plus discrètes. Il se mêle peu à la vie du village, mais accepte toutefois en 1935 de participer au 1er salon des artistes du Cannet avec Henri Lebasque. Il réalisera, pour l’occasion, un tableau représentant un paysage.
À la déclaration de la deuxième guerre mondiale, Pierre Bonnard se retire définitivement au Bosquet. Il vit en solitaire avec Marthe, diverti seulement par un cercle d’initiés dans le milieu de l’art et de la peinture, qui vient lui rendre visite. Il meurt le 23 janvier 1947 et sera inhumé au cimetière Notre-Dame des Anges auprés de sa femme, disparue en 1942.
Près de 300 œuvres furent peintes au Cannet. On y retrouve les paysages, les couleurs et l’atmosphère de ce cadre méditerranéen. La maison elle-même a été le décor privilégié de nombreuses toiles. Certaines, comme L’Amandier en fleurs, Vue du Cannet et Nu dans la baignoire sont des œuvres mondialement connues.
À la mort de Pierre Bonnard, sa succession donne lieu à un procès, qui durera plus de 20 ans. Laissée à l’abandon pendant toutes ces années, la maison deviendra en 1968, après adjudication, la propriété de Charles Terrasse, neveu du peintre.
Si Le Bosquet a pu être sauvé, il n’en a pas été de même de son environnement immédiat. Les villas « La Tany » et « Isola Serena » qui l’entourent, disparaissent vers 1973, pour faire place à de grands immeubles.
Depuis 1975, la maison de Pierre Bonnard est inscrite à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques. Puis en 2007, la maison et son jardin sont classés.
La présence du peintre, dans la maison aux murs roses, est encore gardée intacte aujourd'hui grâce à la famille du peintre.
Biographie
3 octobre 1867
Naissance de Pierre Bonnard à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine).
3 octobre 1867
1886-1887
Obtient sa licence de Droit. Élève de l’Académie Julian, il rencontre Paul Sérusier, Maurice Denis, Henri-Gabriel Ibels et Paul Ranson.
1889
Reçu à l’École des Beaux-arts de Paris, il fait la connaissance de Ker-Xavier Roussel et d’Édouard Vuillard, et participe au groupe des Nabis fondé par Paul Sérusier.
1889
1891
Première participation au Salon des Indépendants. Remarquée par Toulouse-Lautrec, l’affiche France-Champagne est un succès. Bonnard décide de se consacrer exclusivement à la peinture. Il devient le « Nabi très japonard ».
1893
Rencontre Maria Boursin qui se fait appeler Marthe de Méligny, elle devient son modèle.
1893
Fin 1893-1894
Premiers portraits de Marthe. Bonnard dessine une affiche pour La Revue Blanche et se lie d’amitié avec Thadée Natanson, un des fondateurs de la revue, et de sa femme, la sulfureuse Misia, Reine de Paris.
1896
Première exposition particulière chez Durand-Ruel.
1896
1897-1904
Participe à plusieurs expositions de groupe à la galerie Vollard et à la galerie Bernheim-Jeune.
1904
Se rend à Saint-Tropez où séjournent Vuillard et Roussel. Rencontre Signac et Valtat.
1904
1905
Effectue de courts séjours souvent en compagnie de Vuillard, en Espagne, en Belgique, aux Pays-Bas. Peint une série de nus.
1906
Bonnard passe quelques jours dans le Midi, à Marseille, Toulon puis à Banyuls chez le sculpteur Aristide Maillol. Première exposition à la galerie Bernheim-Jeune à Paris.
1906
1909
Effectue son premier long séjour à Saint-Tropez chez le peintre Henri Manguin. Éblouissement du Sud. J’ai eu un coup des Mille et une Nuits. La mer, les murs jaunes, les reflets aussi colorés que les lumières... Y retourne régulièrement les années suivantes.
Premiers achats de peintures de Bonnard par Arthur et Hedy Hahnloser, grands collectionneurs suisses.
1912
Séjourne dans le Midi, à Grasse, Saint-Tropez, Antibes, Cannes. Il voit Henri Manguin, Paul Signac et Auguste Renoir. Achète une maison Ma Roulotte, à Vernonnet, au bord de la Seine, près de la maison de Monet à Giverny.
1912
1913-1915
Traverse une crise picturale. La couleur m’avait entraîné. Je lui sacrifiais presque inconsciemment, la forme […] mais il est bien vrai que la forme existe et qu’on ne peut arbitrairement et indéfiniment la transformer.
1914
Travaille à Saint-Tropez où il loue la Villa Joséphine.
1914
1915
Passe une grande partie de l’année à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) et à Vernon (Eure).
1916
Retour à un équilibre. C’est le début de ses grandes compositions d’inspiration méditerranéenne, telle que L’Été, commandée par les Hahnloser pour leur villa de Winterthur.
1916
1917-1918
Passe les 5 premiers mois de l’année à Cannes. Matisse lui rend visite à Antibes.
1919
Mort de sa mère et de Renoir à Cagnes-sur-Mer dans sa maison des Collettes.
1919
1920-1921
Séjourne à Arcachon et Saint-Tropez chez Manguin. Voyage en Italie en compagnie de Renée Montchaty avec qui il entretient une relation amoureuse.
1922
Séjourne à Cannes, puis au Cannet.
1922
1923
Décès d’Andrée, sa sœur, et de Claude Terrasse, son beau-frère.
1924
Exposition rétrospective à la galerie Druet à Paris. Rend visite à Monet à Giverny. Premiers achats par le collectionneur américain Duncan Phillips.
1924
1925
Épouse Marthe le 13 août à Paris. Renée Montchaty se suicide quelques semaines plus tard. Commence une série de nus à la baignoire.
1926
Achète sur les hauteurs du Cannet une petite maison qu’il baptise Le Bosquet. Il y reçoit Matisse et les Hahnloser. Bonnard partage ses séjours entre Le Cannet, Paris, la Normandie et Arcachon. Voyage aux États-Unis.
1926
1927
Note dans son agenda à la date du 27 janvier son entrée dans sa maison du Cannet après des travaux d’agrandissement et d’embellissement : création d’une salle de bains, d’un garage et d’un atelier. Charles Terrasse, un de ses neveux, lui consacre une importante monographie.
1928
Première exposition à New-York. Il acquiert une reconnaissance internationale.
1928
1938
Séjourne au Cannet une grande partie de l’année.
1939-1947
Passe les années de guerre au Cannet. Voit Matisse avec lequel il entretient une correspondance régulière depuis 1925. De nombreux photographes lui rendent visite : Henri Cartier-Bresson, Brassaï, Ostier, Gisèle Freund...
1939-1947
1940
Bonnard est profondément affecté par la mort de son ami de toujours, Édouard Vuillard.
1942
Mort de Marthe le 26 janvier.
1942
1945
Après la guerre, la nièce du peintre, Renée Terrasse, vient auprès de lui au Bosquet.
1946
Participe à l’exposition Le Noir est une couleur chez Aimé Maeght.
1946
1947
Pierre Bonnard décède le 23 janvier 1947 et repose aux côtés de sa femme dans le cimetière municipal Notre-Dame-des-Anges au Cannet. Son décès est suivi d’hommages au musée de l’Orangerie à Paris ainsi qu’en 1948 au Museum of Modern Art à New-York.